Lors de la réunion qui vit la naissance de Planet’ERE,
nous avions évoqué le besoin de l’assistance
d’experts juridiques internationaux, pour produire du contrat
sur les limites et sur les adhésions. Nous avons en effet
le droit de ne pas savoir, mais nous avons le devoir de poser des
questions pour que les consensus les plus larges soient possibles,
puisque notre organisation porte le nom aux consonances ambitieuses
de ‘’Planet’ERE’’.
L’ignorance, « membrane entre la connaissance et le
désir» (1), est le bon point de départ pour
accéder au savoir et au sens. Nous devons faire effort, nous
devons combattre.
L’effort à fournir est joyeux : découvrir,
avancer, observer, rassembler de la connaissance et la retransmettre.
L’éducation relative à l’environnement
est construite sur du savoir écologique, de la connaissance
sur la « maison », notre lieu de vie. Toutes les sciences
concourent à en éclairer une dimension, un aspect.
La mathématique des plantes dispute à l’intérêt
des essences, la vie des cellules aux cabrioles des dauphins. Ces
nombreux sujets d’extase facilitent tout effort, même
si, parfois, nous nous trouvons en situation d’ange moralisateur,
pestant contre les OGM et contre les dérivés du pétrole.
Notre posture éducative est, sur ce plan, rabelaisienne :
« Fais ce que tu voudras... »
Mais voilà qu’intervient le désir, et là,
tout se complique, parce que contre le désir, il y a toujours
combat à mener. C’est lui la cause de bien des maux,
que nous dénonçons à longueur de rencontres,
de colloques, d’assises, et autres manifestations internationales.
Or le désir, malin, est toujours masqué : masqué
derrière les bonnes intentions audibles dans nos incantations
publiques, masqué par la moralisation des injonctions que
nous assénons à nos semblables, retranché derrière
cette inébranlable assurance du bien fondé de nos
affirmations pour un monde meilleur.
Le désir a la part belle : l’éducation à
l’environnement n’est pas un processus finalisé,
et l’échelle de nos ambitions est planétaire
! Autant dire que ni le temps ni l’espace ne sont comptés
au désir. Dès lors, quelle est la part de l’Educateur
à l’Environnement, autre que de trouver sa place, obstinément
? On voit les prémisses d’un combat, et ce combat sera
mortel.
En effet, est-ce que la dimension du désir peut annihiler
tout effort d’Education à l’Environnement ? «
Quinze milliards d’années d’évolution
pour l’avènement d’un être capable de découvrir
l’origine de l’univers dont il est issu, de déchiffrer
le comportement des atomes et des galaxies, d’explorer le
système solaire, de mettre à son service les forces
de la nature, mais incapable de se mobiliser pour empêcher
sa propre élimination » (2)
L’ambition d’Education Relative à l’Environnement
est-elle impossible ? « Si nous apprenons ce que nous savons
à nos enfants, ils seront aussi médiocres que nous
! ... (3)
Pourtant, ne baissons pas trop vite les bras. Et si nous ne voulons
pas être débordés par les tenants de l’impossible,
nous devons user de stratégie : pour lutter contre les masques
du désir, nous avons des armes : la ruse, l’interculturalité,
etc.
Ces armes fondent notre projet sur deux décisions :
- Le parti-pris de la confiance en l’autre, d’admettre
que le monde de demain est entre les mains de nos semblables. Donc,
au-delà de la prétention d’être des guides,
nous devons revendiquer la place d’éducateurs : «..éduquer
à affronter des problèmes d’une manière
responsable : l’énergie, la biodiversité, etc...
» (4)
- L’exigence de la vérité (dans ce texte, opposée
à la croyance), implique la plus grande clarté sur
nos propres cultures. Quelles sont nos propres ambitions ? Quels
sont les enjeux qui nous guident ? La référence à
des valeurs énoncées est condition de l’émergence
de sens : si des activités d’élèves sont
calées sur leurs rythmes biologiques, le moindre changement
d’horaire (pour cause de disponibilités de locaux,
par exemple) conduit à une perte de sens de l’organisation
de ces activités. (5)
Plus que le souci de mettre bas les masques, projet mondialiste
et facile, nous devons user de nos diversités culturelles
pour enrichir notre action : mettons nos masques pour les transmettre
vers le futur.
Que proposer, sur ces bases, pour mener le combat contre le désir
? De l’endiguer, de le réguler, de le canaliser, parfois
de le solliciter, de faciliter son cours vers ses réalisations
: en un mot, de l’éduquer. A nous de construire une
démarche. Pour cela, soyons à présent rousseauistes.
Nous pourrons partir du croisement de grands domaines :
Utilité, maîtrise, « mieux pouvoir »
Sens, choix, « mieux croire »
Curiosité, compréhension, « mieux savoir »
Il s’agira ensuite de décrire : sommes-nous capables
de situer la signification de notre action dans ces trois domaines
? Quels sont les métiers qui supportent notre projet ?
Ensuite, et très rapidement, nous pourrons évaluer
: est-ce que notre action est cantonnée dans l’un de
ces domaines, ou dans les trois simultanément ? Pouvons-nous
qualifier les contextes d’exercice ?
Une évaluation conduit tout naturellement à projeter
: quelle action pourrait prolonger, compléter, accompagner,
mettre en valeur la précédente (évaluée)
? Avons-nous des éléments de mesure de l’étendue
(espace et temps) des types d’actions que nous promouvons
?
Mais, parallèlement, pour ne pas revenir en arrière
nous devrons capitaliser : quelle leçon pourrai-je tirer
de cette action qui vient d’être achevée ? En
termes d’impacts, de résultats, mais aussi d’enrichissement
des pensées et des pratiques...
Formellement, notre ONG peut matérialiser ces quelques propositions
sous la forme d’une Commission d’Evaluation, un organe
de valorisation des actions et de généralisation des
avancées réalisées sur le terrain, d’appui
des acteurs locaux par les conclusions d’un regard externe,
référencé à une documentation Planét’ERE,
elle-même alimentée par les membres de l’ONG
et par toute autre voix volontaire pour faire avancer l’Education
Relative à l’Environnement. L’objectif est la
création d’un référentiel professionnel
international, et, à terme, d’une méthode robuste
de communication applicable au niveau planétaire.
1) Sara Pain La fonction de l’ignorance Editions LANG Berne
1989, citée par Jaèn Boyer.
2) Hubert Reeves avec Frédéric Lenoir Mal de Terre
Seuil Paris 1998 .
3) Gunter Pauli Communication au Colloque WEEC de Turin 2005.
4) Intervention de la salle à l’UNESCO Paris 2006.
5) Jacques Ardoino et Jaèn Boyer, communication au colloque
de l’ADMEE 1996.
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