Par Catherine Piret avec le concours de Gautier, Joel, Charlotte et Hermann, Joel et Béatrice
Pendant deux semaines, en novembre 2011, une vingtaine de « Caravaniers » d’Afrique et d’Europe ont exploré des projets d’écotourisme au Bénin, au Togo, au Ghana et au Burkina Faso.
Nos objectifs?
L’échange de compétences entre professionnels du tourisme responsable et solidaire et le renforcement d’un réseau d’écotourisme, ainsi que le développement, dans la sous-région, d’un véritable circuit de tourisme alternatif. Organisée par Eco-Bénin avec le soutien d’Altervoyages et de Wallonie Bruxelles International, la Caravane Solidaire Afrique de l’Ouest 2011 a rassemblé 22 participants représentant différentes catégories d’acteurs : hautes écoles, ONG de développement, associations environnementales, autorités publiques, journalistes, voyageurs et voyagistes, tous passionnés d’écotourisme. Ils sont venus de Belgique, du Bénin, du Burkina Faso, du Chili, de la France, du Ghana, de la Guadeloupe, d'Italie et du Togo. Le périple a démarré sur les chapeaux de roues à Cotonou, capitale du Bénin.
Vaudou et Action Carbone au lac Ahémé
Après Cotonou, la Caravane se dirige vers Possotomé, sur les rives du lac Ahémé dans le sud du Bénin. Grâce à l’intervention d’Eco-Bénin, ONG de tourisme écologique et solidaire, ce village de pêcheurs et d’agriculteurs bénéficie depuis 2005 d’une infrastructure complète d’accueil du voyageur et de circuits touristiques variés. Ces services sont gérés par les habitants eux-mêmes au sein d’un Comité Local d’Action Touristique. Ils permettent à nombre d’entre eux de bénéficier d’un revenu complémentaire à leur activité de base. Lucien, Denis et Ignace, guides locaux, proposent aux Caravaniers la découverte des techniques de pêche et des rites vaudou : la forêt sacrée, où nul ne peut pénétrer après la tombée de la nuit, et les temples des divinités du village comme Tolègba, Hêbioso, Zangbéto participent à la préservation de la tradition séculaire et du patrimoine naturel. Ces premiers contacts favorisent l’immersion dans la culture béninoise. Par ailleurs, pour lutter contre l’ensablement du lac, la raréfaction des poissons et les émissions de CO2, les Caravaniers sont invités à planter des palétuviers, contribuant ainsi à l’Action Carbone. L’expérience de Possotomé, pionnière en la matière, montre les différentes étapes à franchir dans le développement d’un projet d’écotourisme.
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Nature et culture à Camaté-Shakaloké
Les Caravaniers reprennent la route pour Camaté-Shakaloké, dans les collines vertes du centre du Bénin où la structure CPN les papillons (Connaître et Protéger la Nature) prône la gestion durable des ressources naturelles et l’épanouissement de l’être humain. A leur programme : une randonnée révélant les richesses naturelles et culturelles du lieu et la visite du Centre d’Initiation et de Préservation de l’Environnement. Ce centre pratique l’élevage, l’agroforesterie, le maraîchage et la transformation des produits. Pour améliorer le quotidien des habitants, une banque de chèvres a été créée. Celle-ci distribue aux familles une chèvre dont le premier chevreau sera donné à d’autres familles du village. Un miel 100% naturel y est produit et l’un des Caravaniers, apiculteur à ses heures, propose un mode de production plus rentable. Si le centre CPN les papillons présente un bilan positif, il doit encore faire face à d’importants défis comme la recherche d’alternatives au concassage du granit par les femmes et par les enfants ainsi que la mise en place d’outils de suivi et d’évaluation des conséquences du tourisme responsable. L’apport de la Caravane se poursuivra sans doute sur ces différents plans.
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Une gestion autonome au pays Otammari
Niché sur la chaîne de l’Atacora, au Nord Ouest du Bénin, Koussoukoingou se distingue par l’architecture exceptionnelle de ses habitations, les Tata, mini châteaux fortifiés en banco caractéristiques de l’ethnie Otamari, qui reste fortement attachée à ses coutumes et à ses croyances. Avec le soutien d’Eco-Bénin et en concertation avec les autorités locales, les villageois y ont constitué une association professionnelle baptisée Perle de l’Atacora. Ses membres assurent en toute autonomie l’organisation et la gestion d’une série de services touristiques dont le logement chez l’habitant ou dans un éco-lodge, la restauration ainsi que le guidage à la découverte des secrets des Bétammaribé (populations de cette région). Ces activités, tout en préservant la biodiversité, génèrent des revenus complémentaires pour les communautés et contribuent à la lutte contre la pauvreté et l’exode rural. Un « bal poussière » clôture la journée des Caravaniers, dans une ambiance de musique et de danse des plus conviviales. Pour certains d’entre nous, la nuit se poursuivra à la belle étoile, sur les terrasses des fameuses Tata, une expérience véritable de partage du quotidien des villageois. ()
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Sensibilisation à l’environnement à Kpalimè
Avec ses deux minibus, la Caravane continue sa route pour Kpalimé, au Sud Ouest du Togo, où elle est accueillie par une fête traditionnelle des plus chaleureuses, haute en couleurs et rythmée de chants et de danses. Les projets d’écotourisme y sont organisés par ADETOP (Association Découverte Togo Profond) qui se mobilise contre la dégradation de l’environnement au détriment des populations. « Nous sommes convaincus que la protection de la nature et l’écotourisme solidaire contribuent au développement durable des communautés », assure François Satro, coordinateur d’ADETOP. L’association s’est lancée dans l’assainissement de deux rivières, avec la participation des écoles et des riverains : faute de moyens économiques et technologiques, la gestion de l’eau se doit d’être proactive. Avec un guide chevronné, les Caravaniers découvrent la végétation luxuriante de la forêt ainsi que la phytothérapie locale. Un artiste nous montre ensuite qu’on peut peindre avec des pigments naturels, donc sans atteinte à l’environnement. La nature ne regorge-t-elle pas de richesses ? La majorité des revenus de l’écotourisme est réinvestie dans des projets de développement durable : sensibilisation, installation de puits, de latrines ou de poubelles… Si ADETOP a remporté au fil des ans des victoires certaines, elle doit en permanence se battre pour trouver des partenaires techniques ou financiers, un problème commun à nombre d’acteurs du tourisme solidaire.
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Des services communautaires à Wli
En Afrique de l’Ouest, le passage des douanes exige souvent de la patience : pour entrer au Ghana, les discussions avec les autorités ont pris cinq heures. La Caravane a ainsi atteint tardivement le village de Wli, près de Hohoé. L’étape est recommandée par l’agence ghanéenne M&J Travel and Tours : son attraction principale réside dans les Agumatsa Falls, les cascades les plus hautes du pays. Pour préserver ces lieux remarquables, les habitants, chasseurs, pêcheurs ou agriculteurs, ont été exclus de la forêt. Certains se sont alors investis dans l’écotourisme et ont organisé, avec le soutien des autorités, la visite des chutes, la vente de mets et de boissons, des festivités de bienvenue rythmées par le tam-tam… Ces services communautaires améliorent quelque peu leur quotidien. Mais ils font face à la concurrence du privé, qui dispose de moyens incomparables. Plus entreprenantes que d’autres, deux femmes proposent néanmoins aux Caravaniers de leur préparer un repas local. Souhaitant héberger chez elles des visiteurs, elles se renseignent sur les modalités à remplir. L’échange d’expériences est donc utile. Non loin de Wli, le sanctuaire des singes Mona de Tafiatomé constitue un exemple de préservation de la biodiversité qui profite davantage aux populations environnantes.
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Respect des traditions à Mognori
Toujours au Ghana, à une quinzaine de kilomètres du Mole National Park, ce ne sont pas les animaux qui retiennent l’attention des voyageurs solidaires, mais le Mognori Ecovillage. Chassés de la réserve naturelle, les agriculteurs ont cherché à assurer autrement leur survie. Le potentiel touristique est là, avec les cases du village dont la décoration est caractéristique du clan Hanga et la fabrication du savon et du beurre de karité, des produits que les femmes vendent. Les Caravaniers participent à la cérémonie d’accueil et à un repas convivial dans le respect des traditions locales. Lors des échanges avec les responsables locaux, ils réalisent que les nombreux touristes du parc ne viennent que rarement visiter Mognori, faute de moyens de déplacement. Un site web, c’est bien, mais mieux vaudrait une communication adéquate sur le terrain. Pas de véhicule, pas de plan de développement et de coordination, des statistiques de visites non conformes aux documents, etc. Une grande partie du travail reste à faire.
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Dynamisme au féminin à Bobo-Dioulasso
Surprise à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, où des dizaines de femmes accueillent la Caravane en fanfare et à vélo, attirant l’attention générale sur l’événement. Ce n’est d’ailleurs qu’un des exemples du dynamisme de Yanta (« allons de l’avant »). Cette union compte plus de 2.000 femmes déterminées à prendre leur avenir en mains, passant de l’exploitation… à la préservation de la forêt. Pour améliorer leurs revenus, ces « business women » ont créé une vingtaine d’unités de production. « Nous fabriquons du beurre de karité, du miel et du savon ; nous transformons le manioc et la noix de cajou ; nous réalisons des pagnes ainsi que des sacs éco-citoyens et proposons nos services en couture, en coiffure et en restauration. Sans oublier le théâtre forum, les expositions ventes, l’alphabétisation en dioula, le reboisement, la promotion des foyers améliorés et la sensibilisation à la protection de l’environnement… », raconte Nathalie Tiendrebeogo, la présidente. Au cours d’une présentation Powerpoint, elle signale les défis à relever par Yanta. Comment, sans moyen de transport, trouver des débouchés complémentaires pour les produits fabriqués ? Appréciant l’excellente qualité de l’atchéké à base de manioc préparé sur place, Eco-Bénin propose à l’association de s’organiser pour le commercialiser au Bénin ou pour venir y former des femmes. C’est un exemple concret des échanges de compétences Sud-Sud visés par la Caravane. Comment aussi remplacer le projet d’appui à la gestion participative des ressources naturelles qui se termine en 2012 ? Les Caravaniers font confiance à ces femmes qui reconnaissent que désormais la forêt les fait vivre de manière digne et durable. La conservation de cette forêt donne aussi du travail à une série de forestiers, de guides naturalistes et de menuisiers qui fabriquent l’infrastructure locale : pont, poubelles installées sur le parcours des visites, etc.
Recyclage et créativité à Bobo-Dioulasso
Un autre projet force l’admiration des Caravaniers à Bobo-Dioulasso. Dans une boutique, ils rencontrent la directrice du GAFREH, Groupe d’Action des Femmes pour la Relance Economique du Houet. Cette ONG veut favoriser l’égalité financière entre les femmes et les hommes par l’alphabétisation, des ateliers de sensibilisation, des formations…Ses réalisations sortent des sentiers battus : une collection de sacs à dos ou à main, de pochettes et même de chapeaux et de vêtements extrêmement mode mais surtout fabriqués à base de sachets plastiques recyclés. La formule permet d’associer la préservation de l’environnement et l’apport d’un revenu complémentaire à des centaines de femmes. Mais pour rémunérer équitablement toutes celles qui travaillent dans la filière, de la récolte des sachets à la commercialisation des produits, les articles doivent se vendre assez cher, du moins pour les consommateurs de Bobo. Pas facile, sans le moindre appui de la mairie et sans véhicule, d’étendre le marché…
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Implication des populations à Laongo
La Caravane Solidaire s’achève à Ouagadougou, avec la visite du musée à ciel ouvert des sculptures de granit de Laongo. Des dizaines d’œuvres y ont été créées sur les pierres du site par des artistes du monde entier. Chacune d’elle, à sa manière, transmet des leçons de la sagesse africaine partagées avec philosophie et humour par Issaka Tapsoba, le guide local. Ce musée financé à grands frais par le ministère de la Culture pourrait profiter davantage à la population environnante. Pourquoi ne pas y développer pour les voyageurs un logement et une restauration qui permettraient aux villageois d’améliorer leurs conditions de vie ? L’idée est en tout cas lancée par les Caravaniers. [email protected])
Chacun s’engage à Ouagadougou
Réunis une dernière fois à Ouagadougou, les participants à la Caravane Solidaire Afrique de l’Ouest 2011, « le seul rallye où il s’agit d’arriver ensemble », s’engagent à maintenir les contacts et à poursuivre les actions en faveur du tourisme responsable et solidaire initiés lors du voyage. Si le périple est terminé, la solidarité continue tant entre les Caravaniers qu’avec les acteurs rencontrés. C’est ainsi que ce « laboratoire nomade » produira des résultats sur le terrain, au bénéfice des populations et de l’environnement. Des exemples ? Un coup de pouce à l’une ou l’autre des associations rencontrées, la diffusion des informations récoltées lors des visites, la prise de contacts avec d’autres acteurs pour relever les défis croisés, etc. Grâce aux ateliers et aux échanges, les Caravaniers se disent mieux outillés dans des problématiques comme l’assainissement de l’eau, la gestion des déchets, les énergies renouvelables, la conservation de la biodiversité, la reforestation, la production alimentaire durable. Ils sont prêts à témoigner du rôle essentiel de la femme dans le développement, de l’importance de l’implication des populations dès la genèse d’un projet comme de la conciliation des impacts naturels et culturels… dans un tourisme alternatif qui se veut responsable et durable.
Pour en savoir plus
Éco-Bénin
T.
: (+229) 21 04 22 68 – 95 28 52 20
Courriel
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